Benoît
Basculer vers ce qui, toute la vie, nous a manqué
Ma chère Marie,
Douceur farouche,
À vivre cinquante ans dans une seule maison, on apprend sur elle un tas de choses anodines. Pourtant, ces détails (l’heure à laquelle y entre le chant des grillons; le cri des marches grimpées avec hâte; le dessin de ton ombre au soleil) en viennent à former le cœur d’une vie.
Ici, rue Lavigueur, ma cousine nous a présentés, il y a trente ans. Depuis ce jour de 1989, trois maires et deux colisées ont régné dans notre ville. (Savais-tu que notre histoire a déjà duré plus longtemps que les Nordiques? On devrait se faire un chandail.) Ma grand-mère est morte; les voisins ont déménagé; mon cousin est si vieux, maintenant, que je dois cuisiner pour lui tout le temps. Mais toi, tu reviens toujours, faire éclater ton rire dans la cuisine. (J’ai toujours regretté que les conditions de nos vies ne nous permettent pas d’habiter ensemble. Mais tu connais la recette de l’amour : beaucoup d’amour.)
À vivre cinquante ans dans une seule maison, ma farouche, j’ai fini par croire que le monde ne change pas tant que ça. Et puis un jour, la nouvelle est arrivée :
Je peux enfin déménager près de toi.
Benoît
Notice biographique
Entre ses multiples emplois, Benoît lit des biographies, fait du sport et reçoit des amis. Il a pris soin de son cousin pendant de nombreuses années, jusqu’à ce qu’il déménage, tout récemment, auprès de sa douce moitié.